Le rocher rouge, ou Les métamorphoses de la matière

Dans un temps donné la configuration d’une île change. Une île est une construction de l’océan. La matière est éternelle, non l’aspect. Tout sur la terre est perpétuellement pétri par la mort, même les monuments extra-humains, même le granit. Tout se déforme, même l’informe. Les édifices de la mer s’écroulent comme les autres. La mer qui les a élevés, les renverse.

Victor Hugo, Les travailleurs de la mer

Brumes du large

Par certaines accalmies du vent, un silence plus profond que les silences du désert descendait sur les rocs arides et pesait à la surface de l’océan. Je cherchais alors à percer des brumes lointaines, à déchirer ce rideau jeté sur le fond mystérieux de l’horizon. Quelles demandes se pressaient sur mes lèvres ? Où finissait cette mer ? Où conduisait-elle ? Pourrions-nous jamais en reconnaître les rivages opposés ?

Jules Verne, Voyage au centre de la terre

La reverdie

C’était au temps où les arbres fleurissent, où les bois se couvrent de feuilles, quand les prés reverdissent, que les oiseaux en leur langage chantent doucement le matin, quand tout renaît à la joie.

Chrétien de Troyes
Perceval ou le conte du Graal
Traduction Jean-Pierre Tusseau

Les bruits de la planète

Le bruit de la planète avant les humains. Et même le bruit de la planète avant la vie : le vent, les vagues, la pluie, l’orage.
Parfois un volcan ou un tremblement de terre. La glace qui craque au dégel.
Le son avant le son.

Etoile filante
Habiter poétiquement le monde

Il faut tenter de le faire avec le plus de réceptivité possible, en contemplant les beautés qui nous entourent, s’en nourrir, s’en inonder l’âme et les yeux en regardant plus attentivement chaque jour, le ciel, la mer, l’écume, les arbres, le sourire d’un enfant avec les yeux et l’esprit du poète.

Frédéric Brun
Introduction à l’anthologie « Habiter poétiquement le monde »

La sorcière sans âme

Il était une fois une sorcière qui n’avait pas d’âme. Elle vivait dans les bois avec un chat.
Un jour, tous ses malheurs s’envolèrent et s’installèrent dans les verrues d’un potimarron. Le soir, la sorcière se coucha, tranquille. Elle savait que quelque chose se passerait pendant la nuit. Et en effet, au milieu de la nuit, son âme vint la rejoindre !
Dès le lendemain, elle déménagea et s’en alla avec son âme et son chat, laissant derrière elle le potimarron.

Ce potimarron s’appelle « les malheurs de la sorcière ».

Le temps retrouvé

Je ne reverrai plus ces beaux paysages, ces forêts, ces lacs, ces bosquets, ces rochers, ces montagnes dont l’aspect a toujours touché mon cœur : mais maintenant que je ne peux plus courir ces heureuses contrées je n’ai qu’à ouvrir mon herbier et bientôt il m’y transporte. Les fragments des plantes que j’y ai cueillies suffisent pour me rappeler tout ce magnifique spectacle…

Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire

L’eau et l’instant

Quand le soir approchait je descendais des cimes de l’île et j’allais volontiers m’asseoir au bord du lac sur la grève dans quelque asile caché ; là le bruit des vagues et l’agitation de l’eau fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation la plongeaient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenait souvent sans que je m’en fusse aperçu. Le flux et reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence sans prendre la peine de penser.


Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire

Iris

La Déesse avait fui sur sa conque dorée ;
La mer nous renvoyait son image adorée
Et les cieux rayonnaient sous l’écharpe d’Iris !

Gérard de Nerval

Cécile Leroy-Pruscha
La splendeur des fleurs

Ni tout a fait oublieux, ni tout a fait nus, mais trainant des lambeaux de sa gloire, nous quittons Dieu, notre demeure. Et si rien ne peut ramener la gloire, ni la splendeur des fleurs, nous ne les pleurons pas. Nous tirons notre force de ce qui reste de la communion première. De la communion première, qui pour avoir été sera à jamais, dans la douceur de sources que répand l’humaine souffrance, dans la foi qui traverse la mort, grâce au coeur humain qui bat et nous fait vivre, grâce à sa tendresse et ses joies, à ses craintes.
A mes yeux, la plus humble fleur éclose fait éclore à son tour des songes qui transcendent les larmes et le sang.

Norman Mc Lean

La nature, le son et le naturaliste

Où l’on peut entendre le premier enregistrement d’un chant d’oiseau. C’était en Allemagne, en 1889, et c’est presque aussi émouvant que d’entendre le vent sur Mars.
Mais ce podcast est surtout le récit de vie d’un audio-naturaliste qui parcourt le monde à la recherche des sons et de leurs significations.

À l’écoute du vivant, les sons de la nature : interview de Marc Namblard sur France Inter le 17 janvier 2023
Le site de Marc Namblard : https://www.marcnamblard.fr

Le bleu des Alpes

Le voyageur ne ramène-t-il pas du versant de la crête non point, dans la vallée, une poignée de terre, qui pour tous est l’indicible, mais un mot glané, un mot pur, la gentiane jaune et bleue.

Rainer Maria Rilke, Neuvième élégie

La rose et le sommeil

Rose, ô pure contradiction, joie
De n’être le sommeil de personne sous tant de paupières

Rainer Maria Rilke

La rose est sans pourquoi

La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu’elle fleurit ;
Elle n’a souci d’elle-même, ne demande pas si on la voit.

Angelus Silesius

L’odeur de l’automne

Et tout d’un coup, un matin, ça sent l’automne. Il ne fait pas encore froid, il n’y a pas de vent. Rien n’a changé et pourtant tout est différent.

Kurt Tucholsky

Le Tao du ciel

Le Tao du ciel opère d’une manière mystérieuse et secrète. Il n’a pas de forme fixe. Il ne suit pas de règles définies. Il est si grand qu’on n’en vient jamais à bout. Il est si profond qu’on en n’arrive jamais au fond.

Kenneth White
Le plateau de l’albatros

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