Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Corneille, Le Cid
Le rocher rouge, ou Les métamorphoses de la matière
Dans un temps donné la configuration d’une île change. Une île est une construction de l’océan. La matière est éternelle, non l’aspect. Tout sur la terre est perpétuellement pétri par la mort, même les monuments extra-humains, même le granit. Tout se déforme, même l’informe. Les édifices de la mer s’écroulent comme les autres. La mer qui les a élevés, les renverse.
Victor Hugo, Les travailleurs de la mer
Les matins du monde
La terre, au matin du monde, a dû surgir dans une lumière semblable.
Camus, L’été
Brumes du large
Par certaines accalmies du vent, un silence plus profond que les silences du désert descendait sur les rocs arides et pesait à la surface de l’océan. Je cherchais alors à percer des brumes lointaines, à déchirer ce rideau jeté sur le fond mystérieux de l’horizon. Quelles demandes se pressaient sur mes lèvres ? Où finissait cette mer ? Où conduisait-elle ? Pourrions-nous jamais en reconnaître les rivages opposés ?
Jules Verne, Voyage au centre de la terre
La beauté de l’imperfection
Il y a une fissure en toute chose. C’est ainsi qu’entre la lumière.
Leonard Cohen
Anthem
La reverdie
C’était au temps où les arbres fleurissent, où les bois se couvrent de feuilles, quand les prés reverdissent, que les oiseaux en leur langage chantent doucement le matin, quand tout renaît à la joie.
Chrétien de Troyes
Perceval ou le conte du Graal
Traduction Jean-Pierre Tusseau
Les lointaines contrées
Nous sommes tissés de rêves et de récits
qui nous relient secrètement
à de lointaines contrées
dont nous n’avons aucune idée.
Dany Laferrière, Un certain art de vivre
Le dentier du melon
Un melon s’est fait faire un dentier et se demande si l’opération a bien réussi.
Nuages d’or et de nacre
Tempêtes et tourbillons,
C’est un vent pigmenté
Qui frappe nos joues
Qu’il ne nous empêche pas
D’aller là où nous devons
L’eau en suspension
Nous savons maintenant que les poils du coquelicot servent à héberger la rosée du matin.
Hop la pluie
L’eau qui danse
l’air qui frémit
un p’tit bonheur
et hop, la pluie
Clair de lune
La rêverie est le clair de lune de la pensée.
Jules Renard
Les bruits de la planète
Le bruit de la planète avant les humains. Et même le bruit de la planète avant la vie : le vent, les vagues, la pluie, l’orage.
Parfois un volcan ou un tremblement de terre. La glace qui craque au dégel.
Le son avant le son.
Habiter poétiquement le monde
Il faut tenter de le faire avec le plus de réceptivité possible, en contemplant les beautés qui nous entourent, s’en nourrir, s’en inonder l’âme et les yeux en regardant plus attentivement chaque jour, le ciel, la mer, l’écume, les arbres, le sourire d’un enfant avec les yeux et l’esprit du poète.
Frédéric Brun
Introduction à l’anthologie « Habiter poétiquement le monde »
Le temps sublimé
Le temps recherché, travaillé, éprouvé.
Le temps ralenti, raccordé, réparé.
Le temps restauré, sublimé, retrouvé.
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La sorcière sans âme
Il était une fois une sorcière qui n’avait pas d’âme. Elle vivait dans les bois avec un chat.
Un jour, tous ses malheurs s’envolèrent et s’installèrent dans les verrues d’un potimarron. Le soir, la sorcière se coucha, tranquille. Elle savait que quelque chose se passerait pendant la nuit. Et en effet, au milieu de la nuit, son âme vint la rejoindre !
Dès le lendemain, elle déménagea et s’en alla avec son âme et son chat, laissant derrière elle le potimarron.
Ce potimarron s’appelle « les malheurs de la sorcière ».
Le temps retrouvé
Je ne reverrai plus ces beaux paysages, ces forêts, ces lacs, ces bosquets, ces rochers, ces montagnes dont l’aspect a toujours touché mon cœur : mais maintenant que je ne peux plus courir ces heureuses contrées je n’ai qu’à ouvrir mon herbier et bientôt il m’y transporte. Les fragments des plantes que j’y ai cueillies suffisent pour me rappeler tout ce magnifique spectacle…
Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire
L’eau et l’instant
Quand le soir approchait je descendais des cimes de l’île et j’allais volontiers m’asseoir au bord du lac sur la grève dans quelque asile caché ; là le bruit des vagues et l’agitation de l’eau fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation la plongeaient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenait souvent sans que je m’en fusse aperçu. Le flux et reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence sans prendre la peine de penser.
Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire
L’étoffe des rêves
Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves et notre petite vie est entourée de sommeil.
William Shakespeare
La géographie poétique
La géographie poétique consiste à parcourir la terre en détectant le merveilleux dans ses moindres replis.
Sylvain Tesson
Iris
La Déesse avait fui sur sa conque dorée ;
La mer nous renvoyait son image adorée
Et les cieux rayonnaient sous l’écharpe d’Iris !
Gérard de Nerval
La splendeur des fleurs
Ni tout a fait oublieux, ni tout a fait nus, mais trainant des lambeaux de sa gloire, nous quittons Dieu, notre demeure. Et si rien ne peut ramener la gloire, ni la splendeur des fleurs, nous ne les pleurons pas. Nous tirons notre force de ce qui reste de la communion première. De la communion première, qui pour avoir été sera à jamais, dans la douceur de sources que répand l’humaine souffrance, dans la foi qui traverse la mort, grâce au coeur humain qui bat et nous fait vivre, grâce à sa tendresse et ses joies, à ses craintes.
A mes yeux, la plus humble fleur éclose fait éclore à son tour des songes qui transcendent les larmes et le sang.
Norman Mc Lean
La nature, le son et le naturaliste
Où l’on peut entendre le premier enregistrement d’un chant d’oiseau. C’était en Allemagne, en 1889, et c’est presque aussi émouvant que d’entendre le vent sur Mars.
Mais ce podcast est surtout le récit de vie d’un audio-naturaliste qui parcourt le monde à la recherche des sons et de leurs significations.
À l’écoute du vivant, les sons de la nature : interview de Marc Namblard sur France Inter le 17 janvier 2023
Le site de Marc Namblard : https://www.marcnamblard.fr
Le bleu des Alpes
Le voyageur ne ramène-t-il pas du versant de la crête non point, dans la vallée, une poignée de terre, qui pour tous est l’indicible, mais un mot glané, un mot pur, la gentiane jaune et bleue.
Rainer Maria Rilke, Neuvième élégie
La rose et le sommeil
Rose, ô pure contradiction, joie
De n’être le sommeil de personne sous tant de paupières
Rainer Maria Rilke
La rose est sans pourquoi
La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu’elle fleurit ;
Elle n’a souci d’elle-même, ne demande pas si on la voit.
Angelus Silesius
L’odeur de l’automne
Et tout d’un coup, un matin, ça sent l’automne. Il ne fait pas encore froid, il n’y a pas de vent. Rien n’a changé et pourtant tout est différent.
Kurt Tucholsky
La naissance de l’art
Le Tao du ciel
Le Tao du ciel opère d’une manière mystérieuse et secrète. Il n’a pas de forme fixe. Il ne suit pas de règles définies. Il est si grand qu’on n’en vient jamais à bout. Il est si profond qu’on en n’arrive jamais au fond.
Kenneth White
Le plateau de l’albatros
Constellations
Nous avons tellement navigué, de jour, de nuit, et si longtemps, que la carte du ciel a fini par s’imprimer sur la coque du bateau.
En tons bleus et dorés
Les ombres s’allongent
en tons bleus et dorés,
C’est l’heure de la lune
le grand mystère du soir